Un article rédigé et illustré par les étudiants

Chaque trimestre, les étudiants de l’Institut publient un article qu’ils ont rédigé sur une conférence à laquelle ils ont assisté. Le texte est complété par une illustration graphique dont ils sont également les auteurs. Ces productions illustrent la capacité à travailler en équipe, la curiosité vis-à-vis des sciences et la créativité des étudiants de notre Institut. Le thème de la conférence et le travail de vulgarisation scientifique témoignent de notre souci de former des scientifiques citoyens. Cliquez sur les images pour les agrandir !

Illustration réalisée par des étudiants de l’Institut

Six étudiants passionnés par les sciences racontent leur expédition scientifique destinée à la recherche en Antarctique et à la médiation scientifique.

Groupe d'étudiant qui se prend en selfie devant un iceberg sur la merLana, Niels et Baptiste, des étudiants et étudiantes de l’ENS Paris-Saclay, tout juste revenus d’une expédition de six mois en Antarctique, nous ont raconté comment ils ont fait pour réaliser ce projet, malgré de nombreuses péripéties qui ont bien failli les empêcher de partir…

Leur projet

L’Antarctique (au sud !) est un des continents les plus intéressants à étudier, tant au niveau de sa biodiversité que dans le cadre du réchauffement climatique.
C’est motivés par le désir de se rendre utile, notamment dans le contexte d’un réchauffement global du climat, que les étudiants ont débuté la construction de leur projet.

Toutefois une question de légitimité s’est rapidement posée : Niels, Baptiste, Lana, ainsi que Margot, Clément et Olivier, le reste des membres de l’expédition, étaient étudiants. Aucun d’entre eux et elle n’était chercheur, point important à prendre en considération lorsqu’on souhaite monter un projet de recherche. Un obstacle qui ne les a pourtant pas arrêtés : “Avec n’importe quelle formation, si on a beaucoup de motivation (et de la chance ! d’après Baptiste), on peut monter ce genre de projets” ont affirmé Lana et Niels ce 17 février.

« Avec n’importe quelle formation, si on a beaucoup de motivation, on peut monter ce genre de projets »

En général, quand des étudiants effectuent des missions de recherche, ils partent récolter des données pour des laboratoires.
Cependant, les étudiants des ENS sont allés plus loin. En partenariat avec des laboratoires, chacun a monté son propre projet de recherche avec un objectif de médiation scientifique. Les 6 étudiants et étudiantes avaient des projets différents :

  • cartographier la répartition des manchots pour Lana Lenourry,
  • étudier le climat pour Niels Dutrievoz,
  • prélever et analyser des échantillons d’eau de mer pour étudier la biodiversité pour Baptiste Arnaud.

Monter le Projet

Un projet de cette ampleur nécessite des fonds. Beaucoup de fonds. Premièrement, le matériel scientifique coûte cher. Deuxièmement, il faut aussi trouver un bateau adapté à un voyage en Antarctique (sans oublier un équipage pour ledit bateau), sans compter la nourriture, le carburant… Pour lever les fonds nécessaires, créer une association devient alors capital.

C’est ainsi qu’est née l’association « Juste 2°C », qui regroupe un grand nombre d’étudiants passionnés par les sciences. Bien que créer et gérer une association soit difficile administrativement, dans ce contexte, ce n’était qu’une des parties visibles de l’iceberg.

Car qui dit lever des fonds, dit contacter un maximum d’acteurs différents : entreprises, laboratoires, personnalités connues, chercheurs… Pendant deux ans, ils ont présenté leur projet chez le plus d’acteurs possible. Cela a été l’occasion d’apprendre beaucoup de choses. Niels raconte : «Quand on construit un projet, c’est important d’être suffisamment convaincant, [surtout] quand le projet est encore jeune pour que des personnes s’embarquent avec nous »

« Quand on construit un projet, c’est important d’être convaincant, [surtout] quand le projet est encore jeune pour que des personnes s’embarquent avec nous »

Planification

Pour aller jusqu’en Antarctique, plusieurs routes possibles s’offraient à eux. Une des solutions les plus évidentes aurait été de partir en avion jusqu’à Ushuaïa, puis de prendre un bateau. Cependant, c’était une solution trop coûteuse compte tenu du transport des appareils scientifiques. De plus, en avion, ils auraient été limités pour effectuer leurs recherches. C’est alors que Niels a proposé de faire le voyage entièrement en bateau. Lana raconte : « Niels a dit ’’Eh, mais si on y allait en bateau depuis la France ?’’ Très drôle, merci Niels ! [ton sarcastique] N’importe quoi… C’est ce qu’on a fait ».

Voilier voguant sur l'eau toutes voiles dehors sous un ciel nuageaux

Voilier La Louise I

Concernant le choix du type de bateau, l’idée était de choisir un voilier, qui avait pour avantage de permettre de faire de l’itinérance tout en rendant possible la récolte des échantillons souhaités. Et puis, éthiquement parlant selon Baptiste, « Aller en avion dans un endroit à 15 000 Km d’ici pour étudier le réchauffement climatique… C’est peut-être un petit peu bizarre comme démarche ».

Quant au bateau lui-même… Que de péripéties ! Le premier bateau qu’ils ont trouvé, le « Foyna », rapporté de Norvège et datant de 1920, présentait plusieurs problèmes : il fuyait et ne possédait pas de moteur -problématique avec un budget limité, un moteur de bateau coûtant dans les 30 000€ ! Ils ont alors trouvé un deuxième bateau : le LUN II, datant de 1914. Contrairement au précédent, ce bateau avait déjà été rénové. Cependant quelques mois avant le départ, le bateau eut un accident. Ils devaient donc en trouver un autre en catastrophe.

À ce moment de la préparation, l’équipe des six étudiants et étudiantes s’était déjà engagée auprès de ses partenaires -ils ne pouvaient pas tout annuler ! Alors qu’ils pensaient vraiment ne pas pouvoir partir, ils ont trouvé La Louise I, un bateau de croisière, adapté aux expéditions polaires. Il aurait dû être au Groenland mais, en raison de la crise sanitaire, les croisières n’étaient pas possibles, il était donc en France, et disponible ! C’est le bateau qu’ils ont utilisé pour leur expédition.

Leur voyage a débuté le 6 octobre 2021, au port de Marseille, suivi par une traversée de l’Atlantique jusqu’en Antarctique, pour finir par un retour en France, en Bretagne en mars 2022 !

Frise chronologique des étapes principales de l’expédition :

Frise chronologique des étapes principales de l’expédition

Traversée de l’Atlantique et arrivée en Antarctique

La traversée de l’Atlantique a duré deux mois, dont 50 jours sans escale. Ce fut une traversée avec souvent très peu voire pas d’internet, et une utilisation de l’électricité très limitée.
Le voyage a été long et a apporté lui aussi son lot de péripéties.

Carte représentant le parcours des étudiants de l’ENS

Carte représentant le parcours des étudiants de l’ENS – Cliquez pour agrandir

Entre l’Amérique du Sud et l’Antarctique, le groupe étudiant a rencontré plusieurs problèmes de météo, notamment des tempêtes, durant lesquelles les vagues pouvaient atteindre 7 mètres de hauteur. Du fait de la violence des tempêtes, une des voiles, pourtant réputée pour sa résistance, s’est déchirée !

Pour des raisons de sécurité, avec les mouvements brusques du bateau dus aux vagues, les étudiants ne pouvaient pas utiliser la gazinière -résultat, ils ont dû boire de la soupe.

Les vagues successives heurtant le bateau ont provoqué une infiltration d’eau de mer dans le réservoir d’eau potable. Purifier de l’eau demande des ressources, plutôt limitées sur un bateau. Le groupe a donc dû se résoudre à boire un mélange d’eau potable et d’eau de mer. Pour atténuer le goût salé tant bien que mal, les étudiants l’ont dilué dans du café fort ou encore du sirop.

De son côté, Baptiste a dû débrancher son surgélateur (capable d’atteindre -80°C !) qui consommait trop d’électricité. Grâce aux conseils lointains mais précieux de sa responsable scientifique, il a pu continuer ses expériences en plaçant ses échantillons sur un papier absorbant de glutaraldéhyde. Cette solution de remplacement l’a néanmoins contraint à abandonner un certain nombre de protocoles.
Faire de la science en bateau, coupé du monde, nécessite d’être ingénieux. En cas de problème, il faut improviser avec les moyens du bord.

Au départ, le groupe avait prévu de faire quelques escales dans plusieurs ports d’Amérique du Sud. Finalement, du fait de la crise sanitaire, il a été obligé d’y renoncer. En effet, attraper la Covid aurait signifié un arrêt de l’expédition et un retour illico en France. Les étudiants ont donc réalisé d’une traite le trajet Marseille/ Ushuaïa. Après plus d’un mois de navigation à manger souvent la même chose, ils n’avaient qu’une envie : manger une bonne pizza ! Une des premières choses qu’ils ont faites à leur arrivée.

Après une escale, le groupe d’étudiants a repris la mer. Direction : l’Antarctique ! Là-bas, ils ont suivi la côte de la partie la plus éloignée du centre de l’Antarctique : « la péninsule Antarctique ».

En Antarctique, leur quotidien consistait à naviguer entre les icebergs, accoster, réaliser des prélèvements, ou encore utiliser un drone pour cartographier les manchots.

Leur dernière étape avant d’entamer le chemin du retour : la base ukrainienne « Vernadsky », afin d’y laisser Margot et Niels, qui avaient prévu d’y rester pour deux mois. Une destination qu’ils ont failli ne jamais atteindre ! Quelques jours après leur arrivée, une vague de froid a complètement gelé l’eau, rendant la base inaccessible pendant un mois.

Le retour et bilan

Initialement, le trajet retour devait se faire en bateau. Mais un imprévu s’est ajouté au voyage : en repassant par Ushuaïa, ils ont attrapé la Covid et ont alors dû revenir en avion. L’expérience de Baptiste, qui consistait à récupérer des échantillons d’eau sur le chemin du retour, est alors tombée à l’eau !

Aujourd’hui, les articles scientifiques issus de cette expédition sont encore en préparation, et quatre articles devraient être publiés.

Au-delà de la partie scientifique, nos six explorateurs ont entrepris une vraie campagne de sensibilisation sur la démarche scientifique et les sciences environnementales dans les écoles, et font aussi des conférences pour motiver les étudiants à réaliser leurs projets.

L’interview